Kinshasa : « Malewa », ces « street food » de la ville en chantier

La première fois qu’on débarque à Léo – Kin la belle, ça a l’air semi-occidental. Accueilli à N’djili, les services aux pieds d’avion vous font découvrir les 30 kilomètres du boulevard Lumumba pour atteindre le centre ville de Kinshasa, les impressions sont pourtant bonnes. Mais qui sont ces femmes entourés des foules dans des sortes de tentes à bâches ou à morceaux de triplex ? Un brasero, des bols en plastique, des marmites superposées ; la logistique n’est pas exigeante pour tenir le « malewa », ces restaurants de fortune qui pullulent les coins et recoins de la ville-province.

"Foufou na Mipanzi", la patte de manioc aux entrecôtes, dans un Malewa à Kinshasa (Ph. Tiers)

« Foufou na Mipanzi », la patte de manioc aux entrecôtes, dans un Malewa à Kinshasa (Ph. Tiers)

On ne peut circuler les rues et avenues de Kinshasa, sans  trouver un endroit où l’on vend le Malewa, ces restaurant de fortunes à la gastronomie relativement diversifiée jonchant la capitale de la RDC. Ce Malewa est vendu à un prix qui permet à chaque personne  de s’y offrir un plat. Les Kinois et les curieux s’y rendent pour consommer des mets faits à la congolaise.

Tout le monde s’y bouscule, fonctionnaires, bureaucrates, techniciens chinois et travailleurs fréquentent ces restaurants de fortune pour se trouver à manger.

Né de la misère kinoise

Kinshasa, la ville-fleuve, est une mégalopole titanesque de près de onze mille âmes sur une surface de 9 960 km². Sans classe moyenne, bon nombre de sa population vit en dessous du seuil de la pauvreté. La fermeture des sociétés industrielles et du crédit créateur ont très vite laissé place à la débrouille. Les femmes veillent au grain. Elles sont la matrice nourricière de la ville en crise. Elles bousculent les hiérarchies machistes, sortant de l’arrière-cour où elles étaient consignées pour affronter le rude quotidien. La perte du pouvoir d’achat ronge le budget de ménages du kinois lambda.

Parmi les formes de survie imaginée, le « malewa ». Source d’inspiration des plus grands chefs internationaux, terrain d’aventures des gastronomes modernes, la « street food », des mets les plus simples aux plus élaborés, est sous les feux de l’actualité du gratin culinaire. Le phénomène, assez récent, se porte bien. Les « malewa » pullulent dans tous les quartiers, envahissant progressivement les espaces publics laissés à l’abandon. Les malewas sont ouverts de l’aube à la tombée du jour ou toute la nuit, servant le thé et les omelettes du petit-déjeuner et proposent des plats chauds en journée. Beaucoup de travailleurs y ont leurs habitudes : ils mangent à crédit et paient à la fin du mois. On y trouve la plupart des spécialités congolaises : brochettes, poulet grillé, poisson braisé (mpiodi), madesu (sauce de haricots), et bien sûr fufu (pate de farine de manioc), bananes plantains, chikwangue et riz. Loin d’être des restos classiques, les plats s’y négocient entre 250 francs congolais (0,3 $ US) et généralement pas plus de 1$.

Les « gens d’en bas » vivent sous la pression d’un quotidien précaire et brutal. Comment tenir ? En apprenant à contourner la stricte légalité. Des femmes font le malewa : elles tiennent une gargote de fortune pour servir un damage (repas) aux abords des écoles ou des Universités, à la sortie des entreprises et des banques pour damer la faim des plus démunis. Populaires, et peut-être un peu trop, ces cuisines en plein air sont tenues pour responsables de divers maux, dont, à y bien regarder, il est difficile de les innocenter totalement.

Un défi sanitaire

En l’absence de gestion des déchets et des eaux sales, les malewas sont souvent établies dans la boue et aux abords des puants caniveaux de capitale congolaise. Leurs propres ordures sont à l’origine de nouveaux problèmes d’insalubrité. Les règles d’hygiène concernant la conservation des aliments et le lavage des ustensiles sont de moindre importance. De nombreuses maladies graves peuvent être transmises par la nourriture avariée ou mal entretenue: amibes, fièvre typhoïde, choléra ; le diagnostic paraît inquiétant. Parallèlement au malewa, la vente de l’eau dans des sachets conditionnés selon des procédés peu contrôlés est une pratique associée aux modes de consommation alimentaire et de survie dans cette mégapole aux multiples extrêmes.

Institutions de la vie kinoise les malewas sont bien controversés. Si vous vous laissez tenter, soyez vigilants sur l’état de l’établissement et des ustensiles, croisez les doigts et dégustez !

by Mc.-Héritier K.